Le club philosophique de Chalabre, ou café philo issue de l’Association pour le Lien et l’Initiative Citoyenne en Kercorb, fête encore ses 15ans ! Au programme ont pu être débattus des thèmes tels que l’identité, l’ingérence, le charisme, la paranoïa, la musique, l’éducation, la superstition, la confiance et la reconnaissance, les droits de l’Homme, la discipline, l’héroïsme, la surveillance, le jeu, l’opinion publique, les frontières, la robotique, le nombre, le vrai, les dogmes, la fidélité, le patriotisme, l’égalité, la fraternité, l’utilité de l’art, le libre-arbitre, la mort, le futur, la gratuité, le paternalisme, l’histoire, l’altérité, la liberté d’expression, l’animalité, la probité, le multiculturalisme, le rire, la mémoire, l’oubli, le pardon, l’inné et l’acquis, les droits du sol et du sang, la communication orale, les 5 sens, la vengeance, la subversion, le temps, l’intelligence, la non-violence, etc.
Ce vendredi 28 février 2025, nous avons décidé de nous attaquer à un thème des plus prégnants dans l’actualité de fond depuis un à trois ans minimum: la désinformation.
D’ailleurs, du point de vue de beaucoup qui se sont exprimés ce soir là, le café philo était bouillonnant de vivacité comme il ne l’avait pas été depuis longtemps, le thème nous étreignant sûrement dans notre for intérieur puisque l’injonction médiatique est maintenant souvent lancée de répondre à cette urgence malgré tout relative : comment savoir si c’est du lard ou du cochon (en français dans le texte) ?
L’information est un sujet important comme nous allons le voir, elle est souvent appelé le 4ème pouvoir, après le trio : législatif, exécutif et judiciaire. Joachim Lang aura tourné « l’école du mensonge » qui est un film de référence sur le sujet. Il est de notoriété publique que les magnats du capitalisme investissent dans ce pouvoir pour en tirer un bénéfice au moins économique, voir politique ou idéologique.
Bien sûr nous avons évoqué notre devoir de vigilance, donc de libre-arbitre, de lutte intérieure contre nos penchants indolents voir naïfs. De manière frontale, bien qu’éloignés des faits par quelques siècles, quelqu’un aura évoqué le parallèle entre notre époque et celle des sorcières brûlées par le pouvoir sous l’inquisition du XVème siècle, sous les yeux d’une foule désinformée – mais apparaît ici une mise en abîme : y étions nous ? (non) Donc comment savoir ce qui s’y passait, et comment savoir comment les « foules » réagissaient ?
Précisément, nous avons mis en avant l’intérêt des consensus scientifiques ou historiques, pour un peu qu’on s’y intéresse et qu’on les reconnaisse légitimes. Les scientifiques eux-même reconnaissent qu’ils apprennent de leurs erreurs et qu’ils n’en sont pas exempts !
Nous sommes victimes de désinformation de part notre propre nature, et de part le décalage entre les informations que nous prenons comme argent comptant par habitude et notre capacité relative à déceler le vrai du faux (à ce titre voir le compte-rendu du café philo sur l’obéissance). Un Socrate local a dit : « regardez-au-dedans, où siège votre boussole ».
Au dehors, qu’y a t il ? L’internet ? Un Diogène local a rétorqué : « c’est le parangon de la nullité culturelle d’une bande d’ignorants » ! Un autre d’entre nous aura vu cette technologie comme une continuité plus efficace des rumeurs d’Antan, qui accusaient par exemple Marie-Antoinette des pires travers au temps de la Révolution… Ça dénonce à Chalabre !
C’est de source sûre, autrement, qu’Eratostène a déterminé que la Terre devait être plate il y a 2300 ans. Avec ça, on a déjà un bon exemple de notre problématique : personnellement je n’ai jamais fait l’expérience de la démonstration ératostènique, et j’appelle à la barre notre premier accusé pour désinformation : l’École.
Et puis tant qu’on y est, voilà l’accusé principal de la désinformation : le Journalisme.
Maras, nous dit-on, est un révolutionnaire du XVIIIème siècle qui pensait les journalistes comme « sentinelles du peuple ». Aujourd’hui, certains s’inscrivent en faux contre les dérives qualitatives de cette mission hautement morale : comme Idriss Aberkane et Yohan du Canard Réfractaire qui semblent appeler de leur vœu la création d’un label de qualité journalistique (voir à ce sujet la charte dite de Munich du journalisme), voir des amendes pour fraudes journalistiques, voir l’interdiction d’acheter des organes de rédactions à des fins mercantiles. Précisément, cette dernière loi était déjà une avancée historique de la Révolution française ! Mais ô Marianne, où es-tu passée ? Et de tes convictions et de ta morale nous sommes aujourd’hui orphelins.
D’aucun aura ici rajouté : « si la presse est un chien de garde de la république, ou de la démocratie, regardons ce chien comme malade ou empoisonné ». Les deux journalistes ci-dessus mentionnés vont jusqu’à espérer la réappropriation industrielle par le peuple. Voilà qui est dit.
L’histoire veut que les institutions même de la nation française soient aujourd’hui vérolées par la corruption. Nous avons vérifié en séance, notre classement à la Transparence Internationale nous met en tant que 25ème position mondiale, sous la moyenne des pays démocratiques. (Il existerait également un César des menteurs remis chaque année. Je vous laisse rechercher cette information via vos sources sûres, ho ho.)
Notre assistance est partagée entre le « on est pas si mal ici, on dit ce qu’on pense, il n’y a pas de police de la pensée, j’avais 19 ans en 1944 » et le « soyons vigilants, rien n’est acquis, et force est de constater que l’édifice de la Raison est fébrile ». D’aucuns auront crié à « la lâcheté ambiante, et à l’appât du gain, et aux malversations publiques » ici en France. D’autres auront laconiquement rappelé qu’en Iran, on dénombre 900 pendaisons officielles par an, régime proche sur la forme de l’Arabie Saoudite, par exemple. Note pour maintenant : ne pas confondre le Mieux et le Bien.
Pour revenir au sujet qui est le nôtre aujourd’hui, est mentionnée la Maison de l’Information Indépendante mais ceci est une création allemande. Notre correspondante sur place nous rapporte que l’information, ou la désinformation, sont par essence peu maîtrisables, difficiles à vérifier (on dira «à débunker »), et les masses, hélas, crédules et manipulables.
Une ex-correspondante à Rieuters nous rappelle les 3 règles fondamentales du journalisme :
- Il vous faudra 3 sources indépendantes d’information ;
- Ne vous sera autorisé aucun commentaire personnel ;
- Il vous faudra protéger vos sources.
Pour ouvrir le débat comme nous savons si bien le faire, nommons ici la pensée de Jacques Weber qui parle des religions révélées comme des responsables des plus grands massacres du monde. (Mais encore une fois, est-ce un fait avéré ? Je vous le demande.)
Précisons ici la nuance intéressante au surcroît entre mésinformation et désinformation, la première représentant une information tronquée ou incomplète, et la seconde représentant une erreur ou un mensonge.
Notons ici cet adage assez connu qui ne mange pas de pain nous dit on : tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.
Une notion philosophique soulevée pendant la séance : on aime aussi souvent à se prendre pour un résistant de la pensée intellectuelle, préférant notre égo à une recherche quelconque de la vérité.
Il est aussi complexe par nature nous dit-on (décidément) de mécroire, c’est à dire d’arrêter de penser quelque chose que nous aurions pensé. Et encore par égo, nous préférerions nous braquer sur notre position intellectuelle quand un détracteur se montre indélicat voir agressif, ce qui est hélas, bien souvent le propre de la contradiction.
Sans transition car elles ne sont pas toujours évidentes, rappelons nous ici au meurtre d’Anna Politkovskaya en 2006 dans son appartement à Moscou. C’était une journaliste qui critiquait ouvertement la politique poutinienne de son pays. D’où il apparaît ici une autre tendance à la désinformation : dire la vérité est parfois dangereux comme le disait elle même Anna Politkovskaya, qui par exemple deux ans avant sa mort avait déjà survécu à une tentative d’empoisonnement.
On pourra aussi se remémorer l’histoire récente bien que longue de l’incarcération outrageante de Julian Assange, qui avait révélé les secrets de l’administration américaine (voir Affaire Wikileaks).
À la question « fallait il faire fermer C8 ? », pour ceux qui suivent l’actualité, déjà une précision importante sur la forme : les droits de C8 n’ont pas été renouvelés, plutôt que supprimés en cours d’autorisation à émettre, et ceci reste assez banal. Mais, pour rappel, une émission de Cyril Hanouna sur cette antenne représentait à la louche 2,5 million de spectateurs, d’où la contestation. Didier Raoult y était mis au pinacle nous dit on.
Sur le fond, nous en avons soulevé la différence entre notre système français d’interdiction des propos qualifiés outrageants, et celui américain dont l’article 1 de la constitution garantit la liberté d’expression, mais où la violence est monnaie courante, car les paroles entraînent les actes, et l’escalade de la violence ne semble pas avoir de limites.
Il y a par là une question de démocratie : les idées d’extrême-droite peuvent ou doivent elles être interdites car jugées dangereuses, amorales, ou anti-républicaines, même quand elles reflètent une pensée majoritaire (ou du moins conséquente en « nombres d’électeurs ») ?
Bon à propos, j’ai un peu traîné avant de fournir ce compte-rendu fleuve, mais je profite de ce que vient de sortir cette vidéo du canard réfractaire qui parle précisément des élections roumaines pour vous glisser le lien vers cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=lHzmDQULjHc. Dites moi en commentaire si on a affaire selon vous à de la désinformation ou à de l’information sur une échelle de 0 à 10, merci (0 = désinformation complète ; 10 = information fiable).
Notez aussi s’il vous plaît qu’il existe un Global Switch Day en février, afin de quitter les univers sociaux de X/twitter, d’Instagram, de Facebook et qui sais-je, pour rejoindre ceux de Patagonia, de Telegram, de Mastodonte, et qui sais-je.
A la question « quel média vous inspire confiance ? », il y a été fait mention du Monde Diplomatique, de Mediapart, du Canard Enchaîné, de Blast.
À vous les studieux,
Amicalement,
Jean-Denis
Le fleuve est long mais tres profond et vaste comme connexions, bravo l’auteur! Je regarderai le reportage sur les elections roumaines et reviendrai avec mon commentaire.